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Cambodge: des défenseurs des droits de l’homme arrêtés

Les médias devant le quartier général de l'Unité anti-corruption où les interrogatoires avaient lieu hier soir. Ce vendredi, les cinq personnes inculpées sont toujours détenues tandis que leurs avocats ont été empêchés de les rencontrer. Photo Licadho

Quatre responsables de l’ONG Adhoc, une association  de défense des droits de l’homme, ainsi qu’un membre de la commission électorale (NEC) anciennement membre de cette association, ont été arrêtés hier soir par l’Unité anti-corruption dans l’affaire de plus en plus trouble mettant en cause Kem Sokha, le numéro 2 de l’opposition pour ses prétendues relations extra-conjugales.

Sommées de se présenter devant les forces anti-terroristes faute de quoi elles seraient arrêtées, ces cinq personnes ont été interrogées durant des heures depuis mercredi. Vendredi matin, alors qu’elles se trouvaient toujours à l’intérieur du bâtiment de l’Unité anti-corruption où elles ont passé la nuit, Om Yentieng, le patron de l’Unité annonçait leur arrestation pour corruption sans donner plus de détails.

Les quatre membres de Adhoc sont Lim Mony, Ny Sokha, Nay Vanda et Yi Soksan, ainsi que l’adjoint au secrétariat-général de la Commission nationale électorale (NEC), Ny Chakrya, ancien membre de Adhoc.

L’association de défense des droits de l’homme œuvre au Cambodge depuis les années 90. Mardi, lors d’une conférence de presse, les responsables d’Adhoc avait expliqué avoir apporté une aide juridique à la jeune coiffeuse Khom Chandaraty avec laquelle Kem Sokha, le numéro 2 de l’opposition, aurait eu des relations amoureuses (lire ici), ce qui est dans la mission de l’association.

Adhoc avait refusé de poursuivre son assistance lorsque la jeune femme avait soudainement changé de version devant le procureur du tribunal la semaine dernière, en déclarant qu’elle était bien la maîtresse de Kem Sokha, contrairement à ce qu’elle affirmait depuis deux mois. Celle-ci avait alors accusé l’association de lui avoir recommandé de mentir, ce que les responsables d’Adhoc ont vigoureusement démenti lors de cette conférence de presse.

La jeune coiffeuse avait également mis en cause une série de personnalités qui, disait-elle, lui aurait donné le même conseil. Elle avait cité Try Chhuon, l’avocat de Adhoc, Thida Khus, responsable d’une association de défense des droits des femmes, Sally Soen, un représentante de l’ONU, ainsi que Chet Seang, un chef de village membre de l’opposition.

Ce dernier  a été incarcéré la semaine dernière au motif qu’il aurait remis 500 dollars à la jeune coiffeuse pour qu’elle nie cette affaire.

Suite à ce grand déballage dont on ignore les tenants, toutes ces personnalités ont été convoquées mercredi et jeudi pour interrogatoire par les forces anti-terroristes dont le rôle dans cette affaire de diffamation reste à éclaircir.
Seul, Sally Soen, le représentant de l’ONU qui bénéficie de  l’immunité diplomatique a refusé de se rendre au quartier général de l’Unité anti- corruption. Ce vendredi, le patron de l’Unité anti-terroriste a cependant  menacé de le contraindre par la force à se présenter devant les enquêteurs.

Le 25 avril, Ou Virak, un célèbre analyste politique, avait déjà été poursuivi en diffamation par le Parti au pouvoir pour avoir commenté cette affaire dans des termes qui porteraient atteinte « à la dignité et à l’honneur » du PPC.

Dans un communiqué publié ce vendredi peu avant l’annonce de ces arrestations, la Licadho et plusieurs associations critiquent vivement le rôle «  inapproprié » de l’Unité anti-corruption dans ce dossier et appelle cette institution à cesser de « harceler et d’intimider » les défenseurs des droits de l’homme dans cette affaire politiquement sensible.

 

Krystel Maurice