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Le Cambodge à petits pas

Si le Cambodge s’est largement ouvert au tourisme, nombreux sont ceux qui le visitent au pas de charge. Phnom Penh en courant, Siem Reap et les temples d’Angkor en s’essoufflant, Sihanoukville pour deux ou trois journées et l’affaire est emballée. Comment, dans ces conditions, comprendre le Cambodge, en appréhender la culture, saisir la complexité de son histoire?

Après des années de souffrances, le pays semble sur la voie de la guérison. Le processus démocratique est en marche mais il reste balbutiant. Le régime autoritaire du Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 30 ans, ne semble pas prêt de baisser la garde en dépit d’un très net recul de voix lors des élections de 2013. L’appareil judiciaire reste inféodé au gouvernement, les activistes sont menacés, condamnés, assassinés, les libertés individuelles bafouées, les médias ficelés. La corruption gangrène toutes les structures de l’État.
Le pouvoir favorise un capitalisme sauvage aux effets dévastateurs. Épaulés par des militaires ou des policiers, les compagnies privées exproprient à tour de bras et s’accaparent, dans une violence inouïe, des milliers d’hectares de terres et de forêts. Des fortunes colossales se sont bâties en quelques années, l’insolence des puissants et des militaires est à la hauteur de l’ impunité dont ils bénéficient.

Avec un revenu national brut de 950 USD par habitant, le pays reste l’un des plus pauvres de la planète. Mais surtout, nombreux sont ceux qui n’ont pas accès à l’enseignement et sont exclus du système de santé, ces deux domaines étant loin de constituer une priorité dans les dépenses publiques.

Avec une population de 15 millions d’habitants, dont près de 70 % est rurale- phénomène rare en Asie- le Cambodge présente une autre originalité ; plus de 40% de ses habitants a moins de 20 ans. Cette jeunesse constitue, en théorie, l’un des atouts du pays mais les faibles perspectives d’emplois qui lui sont offertes risquent fort, dans les années à venir, d’assombrir le tableau. Depuis les élections de 2013, elle a toutefois commencé de se faire entendre. Une première dans ce pays où personne, jusque là, n’aurait osé manifester contre le parti au pouvoir. Reste à savoir si cette libération de la parole débouchera sur autre chose que la recherche d’avantages individuels.

L’avenir du Cambodge reste donc incertain et cette fragilité le rend d’autant plus attachant. Partir à la découverte d’un pays est toujours une belle aventure mais rencontrer le Cambodge demande de la patience. Si les trajets sont quelquefois très longs et les routes souvent en mauvais état, la chaleur de l’accueil sera toujours au rendez-vous. Et derrière ces sourires, au-delà de la splendeur des paysages et des temples, le voyageur percevra une identité culturelle extrêmement forte, qui en fait l’un des pays les plus fascinants d’Asie. Mais nous ne le répéterons jamais assez ; l’aventure sera d’autant plus belle que vous choisirez de prendre votre temps. Tout votre temps.

Krystel Maurice